Adrian Popescu


Deux Poèmes




RAISINS

À quoi bon continuer à écrire
Si nous ne sommes pas semblables à nos poèmes?
Eminescu et Rilke. Byron et Voiculescu.
Fundoianu et Mandelstam y sont parvenus.
Raisins invisibles écrasés.
dans le pressoir du Temps.
S’ils sont incapables d’incarner leurs images

Que reste-t-il aux poètes?

Encres. rosée?
Grosses gouttes de sueur et l’internet?
Mais par-dessus tout le sang lavant
le visage et les mains qui tiennent le livre.
Seul le battant des artères pénètre
au plus profond de la pierre
Et des fibres tendres du bois.

La couleur du sang est seul à survivre au temps.




ÉLOGE DU SEL



J’ai goûté le sel italique
le sel cristallisé de la Méditerranée
et le sel de la Bucovine

J’ai même visité dans la cathédrale
de sel de Wieliczka les mines polonaises
j’ai trempé mes mains dans le bénitier de cristaux.

Agneau. m’ont charmé les mottes irisées
et bourdon les branches humides du dimanche des Rameaux
les bulles d’eau printanière sous les fenêtres du bloc.

Je l’ai répandu en chantant son éloge
au-dessus du poisson grillé
j’ai orné de ses perles la tranche de pain chaud.

Le grain de sel sur les toits du monde brillait brillait
sur la façade d’Orvieto après la pluie
sur les saillies et les griffons de Notre-Dame.

Le sel de la terre
fer de lance acéré soudain heurta les boucliers
qui annoncent l’Empereur.



Version française par Mihai Zaharia



ADRIAN POPESCU est né le 24 mai 1947 à Cluj. Il a fait des études de filologie à l’Université de Cluj. Poète, essayiste et rédacteur à la revue littéraire de Cluj, Steaua. Il a publié de nombreux recueils de poèmes dont Le feu et la fête, 1975; Les Banlieux du ciel, 1982, Sans âge, 1998. Ses textes ont paru en français, hongrois, macédonien et allemand. Essayiste, il a publié La Poésie de Radu Gyr, 1995. Il est finaliste du Premio europeo Antonietta Drago, Roma, 1996.

Adrian Popescu Adrian Popescu Reviewed by La Rédaction on samedi, novembre 26, 2016 Rating: 5

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