William Butler Yeats



Quelques poèmes
vers français par © Christian Tanguy



HE WISHES FOR THE CLOTHS OF HEAVEN

    Had I the heavens’ embroidered cloths,
    Enwrought with golden and silver light,
    The blue and the dim and the dark cloths
    Of night and light and the half-light,
    I would spread the cloths under your feet:
    But I, being poor, have only my dreams;
    I have spread my dreams under your feet;
    Tread softly because you tread on my dreams.


DE SON DÉSIR DE CAPE CÉLESTE

    Si les cieux avaient brodé sur ma cape
    L’or du soleil l’argent de la lune
    Noire, obscure, sombre cape
    De nuit, de lune, de quart de lune
    J’aurais répandu cette cape à tes pieds
    Mais (tant je suis pauvre) je n’ai que mes rêves
    J’ai répandu mes rêves à tes pieds
    Marche légèrement : tu marches sur mes rêves


THE LOVER TELLS OF THE ROSE IN HIS HEART

    All things uncomely and broken, all things worn out and old,
    The cry of a child by the roadway, the creak of a lumbering cart,
    The heavy steps of the ploughman, splashing the wintry mould,
    Are wronging your image that blossoms a rose in the deeps of my heart.

    The wrong of unshapely things is a wrong too great to be told;
    I hunger to build them anew and sit on a green knoll apart,
    With the earth and the sky and the water, re-made, like a casket of gold
    For my dreams of your image that blossoms a rose in the deeps of my heart. 


L’AMANT PARLE DE LA ROSE EN SON COEUR

            Toute chose ingrate et cassée
                    toute chose élimée et vieille
            Le cri de l’enfant le long des voies
                    le craquement du lent chariot raide
            Les lourds pas du laboureur
                    éclaboussant l’hivernale glaise
            Font mal à ton image bourgeonnant une rose
                    en le creux de mon coeur

            Le mal des trop viles choses
                    est mal trop grand pour être dit
            J’aspire à les remettre à neuf
                    et m’asseoir sur ce vert coteau seul
            Devant la terre le ciel les eaux, régénérés
                    comme un coffre plein d’or
            Que mon rêve de toi bourgeonne cette rose
                    en le creux de mon coeur 


THE SONG OF WANDERING AENGUS

I went out to the hazel wood,
Because a fire was in my head,
And cut and peeled a hazel wand,
And hooked a berry to a thread;
And when white moths were on the wing,
And moth-like stars were flickering out,
I dropped the berry in a stream
And caught a little silver trout

When I had laid it on the floor
I went to blow the fire aflame,
But something rustled on the floor,
And some one called me by my name:
It had become a glimmering girl
With apple blossom in her hair
Who called me by my name and ran
And faded through the brightening air.

Though I am old with wandering
Through hollow lands and hilly lands,
I will find out where she has gone,
And kiss her lips and take her hands;
And walk among long dappled grass,
And pluck till time and times are done
The silver apples of the moon,
The golden apples of the sun.

LA CHANSON DU VOYAGEUR AENGUS

J’allai jusqu’au bois de noisetier
Poussé par un feu dans mon coeur
Je taillai une ligne de noisetier
Et pendis une baie à mon fil
Et quand les phalènes reprirent leur vol
Et les étoiles filantes leurs sauts
Je plongeai la baie dans le torrent
Jusqu’à y prendre une truite d’argent

Quand je l’eus posée là par terre
J’allai pour remettre le feu en flammes
Mais quelque chose bruissait là par terre
Et quelqu’un appela mon nom :
Ce fut soudain une pétillante fille
Des fleurs de pommier aux cheveux
Qui appela mon nom puis s’en fut
Disparut dans les brumes de l’aube

Or bien que vieilli de voyages
Par basses terres et hautes terres
Je trouverai où elle se cache
J’aurai ses lèvres prendrai ses mains
Et j’irai le long des longues herbes mures
Cueillant jusqu’au bout du temps et des temps
Les pommes d’argent de la lune
Les pommes dorées du soleil


A POET TO HIS BELOVED

    I bring you with reverent hands
    The books of my numberless dreams,
    White woman that passion has worn
    As the tide wears the dove-grey sands,
    And with heart more old than the horn
    That is brimmed from the pale fire of time:
    White woman with numberless dreams,
    I bring you my passionnate rhyme.


UN POÈTE À SA BIEN-AIMÉE

    Je vous remets de révérentes mains
    Ce livre mien des innombrables rêves
    Blanche amoureuse que sa passion habille
    Comme la mer en colombe les sables
    Et le coeur vieux plus encor que la trompe
    Si débordée des pâles feux du temps
    Blanche amoureuse aux innombrables rêves
    Je vous remets la passion dans mes oeuvres 


TO HIS HEART, BIDDING IT HAVE NO FEAR

    Be you still, be you still, trembling heart;
    Remember the wisdom out of the old days:
    Him who trembles before the flame and the flood,
    And the winds that blow through the starry ways,
    Let the starry winds and the flame and the flood
    Cover over and hide, for he has no part
    With the lonely, majestical multitude. 


À SON COEUR, QU’IL N’AIT PAS PEUR

    Reste calme, mon pauvre coeur, reste calme ;
    Souviens-toi des proverbes de l’ancien temps :
    « Celui qui tremble devant la Flamme et le Flot
    Et le vent qui souffle au milieu des Étoiles
    Que le vent des Étoiles, que la Flamme, que le Flot
    Le couvrent, le recouvrent, l’engloutissent
                    car il n’a pas sa place
    Dans la seule et majestueuse multitude» 


HE THINKS OF THOSE WHO HAVE SPOKEN EVIL OF HIS BELOVED

    Half close your eyelids, loosen your hair,
    And dream about the great and their pride;
    They have spoken against you everywhere,
    But weigh this song with the great and their pride;
    I made it out of a mouthful of air,
    Their children’s children shall say they have lied.


IL REPENSE À CEUX QUI ONT MÉDIT DE SON AIMÉE

    Recouvre tes yeux, répands tes cheveux
    Et repense aux grands hommes si fiers
    Ils ont médit de toi en tous lieux
    Maintenant
            compare cette chanson aux grands hommes si fiers
    Je l’ai moulée dans une gorgée d’air
    Leurs enfants qui viendront verront qu’ils ont menti


THE FIDDLER OF DOONEY

When I play on my fiddle in Dooney,
Folk dance like a wave of the sea;
My cousin is priest in Kilvarnet,
My brother in Mocharabuiee.

I passed my brother and cousin:
They read in their books of prayer;
I read in my book of songs
I bought at the Sligo fair.

When we come at the end of time
To Peter sitting in state,
He will smile on the three old spirits,
But call me first through the gate;

For the good are always the merry,
Save by an evil chance,
And the merry love the fiddle,
And the merry love to dance:

And when the folk there spy me,
They will all come up to me,
With ‘Here is the fiddler of Dooney!’
And dance like a wave of the sea. 

LE VIOLONEUX DE DOONEY

Quand je joue de mon violon à Dooney
Les gens dansent tels les vagues en la mer
Mon cousin est le prêtre de Kilvarnet
Mon frère de Mocharabuiee

J’ai croisé mon cousin et mon frère
Ils lisaient dans leurs livres de messe
Je lisais d’une feuille volante
Achetée à Sligo à la foire

Et quand nous en serons à la fin des temps
Devant Saint-Pierre assis attendant
Il sourira aux trois vieux esprits
Mais m’appellera le premier

Car les bons sont toujours les joyeux
À moins d’une maudite chance
Et les joyeux aiment les violons
Les joyeux aiment les danses

Et quand là-haut les gens me verront
Ils viendront tous à ma rencontre
Disant « voilà le violoneux de Dooney »
En dansant tels des vagues en la mer.


HE THINKS OF HIS PAST GREATNESS
WHEN A PART OF THE CONSTELLATIONS OF HEAVEN

I have drunk ale from the Country of the Young
And weep because I know all things now:
I have been a hazel tree and they hung
The Pilot Star and the Crooked Plough
Among my leaves in times out of mind:
I became a rush that horses tread:
I became a man, a hater of the wind,
Knowing one, out of all things, alone, that his head
Would not lie on the breast or his lips on the hair
Of the woman that he loves, until he dies.
O beast of the wilderness, bird of the air,
Must I endure your amorous cries?


IL PENSE À SA GRANDEUR PASSÉE
QUAND IL FAISAIT PARTIE DES CONSTELLATIONS

J’ai bu la bière du Pays des Jeunes
Et pleure car je sais toute chose à présent ;
J’ai été noisetier et ils accrochèrent
La Grande Ourse et l’Étoile du Berger
Parmi mes feuilles en des temps immémoriaux ;
J’ai été buisson, foulé par les chevaux ;
J’ai été un homme, un haïsseur du vent,
Connaissant, entre toutes, une chose, une seule : que sa tête
Jamais ne s’appuierait sur le sein, ni ses lèvres sur les cheveux,
De la femme qu’il aime, et ce jusqu’à qu’il meure.
Ô la bête sauvage, ô oiseau dans les airs,
Dois-je endurer plus loin vos amoureux soupirs?


HE TELLS OF A VALLEY FULL OF LOVERS

I dreamed that I stood in a valley, and amid sighs,
For happy lovers passed two by two where I stood;
And I dreamed my lost love came stealthily out of the wood
With her cloud-pale eyelids falling on dream-dimmed eyes:
I cried in my dream, O women, bid the young men lay
Their heads on your knees, and drown their eyes with your fair,
Or remembering hers they will find no other face fair
Till all the valleys of the world have been withered away. 


IL ÉVOQUE UNE VALLÉE PLEINE D’AMOUREUX


J’ai rêvé que j’étais dans une vallée 
et parmi des soupirs
car des amants heureux deux par deux 
passaient près d’où j’étais
et rêvé que mon amour perdu 
furtive arrivait par ces bois
paupières de la pâleur des nuages 
sur des yeux voilés de rêves
et j’ai imploré : « Ô femmes faites 
que les jeunes hommes laissent
leur tête entre vos genoux et noient 
leurs yeux dans vos cheveux
ou se ressouvenir d’elle ne leur ferait paraître belle
aucune autre plus jamais
jusqu’à ce que toutes les vallées du monde aient été
balayées par ses vents »


A FAERY SONG

    Sung by the people of Faery over Diarmuid and Grania,
    in their bridal sleep under a Cromlech.

    We who are old, old and gay,
    O so old!
    Thousands of years, thousands of years,
    If all were told:

    Give to these children, new from the world,
    Silence and love;
    And the long dew-dropping hours of the night,
    And the stars above:

    Give to these children, new from the world,
    Rest far from men.
    Is anything better, anything better?
    Tell us it then:

    Us who are old, old and gay,
    O so old!
    Thousands of years, thousands of years,
    If all were told.

CHANSON DE FÉES

    Chantée par le peuple des Fées sur Diarmuid et Grania,
    en leur sommeil nuptial sous un Cromlech.

    Nous qui sommes vieilles, vieilles et gaies
    Ô si vieilles
    Des milliers d’années, des milliers d’années
    Pas une pareille

    Donnons à ces enfants nouveaux en ce monde
    Silence et amour
    Lente rosée perlant des heures de la nuit
    Et des étoiles autour

    Donnons à ces enfants nouveaux en ce monde
    Repos loin de tous
    S’il est rien de meilleur, rien de meilleur
    Dites-le-nous

    À nous qui sommes vieilles, vieilles et gaies
    Ô si vieilles
    Des milliers d’années, des milliers d’années
    Pas une pareille 


THE LAKE ISLE OF INNISFREE

I will arise and go now, and go to Innisfree,
And a small cabin build there, of clay and wattles made:
Nine bean-rows will I have there, a hive for the honey-bee;
And live alone in the bee-loud glade.

And I shall have some peace there, for peace comes dropping slow,
Dropping from the veils of the morning to where the cricket sings;
There midnight’s all a glimmer, and noon a purple glow,
And evening full of the linnet’s wings.

I will arise and go now, for always night and day
I hear lake water lapping with low sounds by the shore;
While I stand on the roadway, or on the pavements grey,
I hear it in the deep heart’s core.


L’ÎLE DU LAC D’INNISFREE

Me lever et partir sans plus tarder... partir pour Innisfree...
Quelque hutte aller là-bas bâtir... d’argile et d’osier...
Neuf rangs de fève y planter... des abeilles pour le miel -
Et vivre seul en leur bourdonnante clairière...

Trouver enfin la paix, là-bas, la paix qui douce y pleut...
Y pleut des voiles du matin sur le chant des grillons
Là-bas, où minuit n’est qu’étincelles, midi pourpres lueurs
Et le soir nuées de vols de linots...

Me lever et partir – enfin – car toujours nuit et jour
J’entends ce lac qui bat sourdement sur ses rives :
Que je sois sur les routes, sur le pavé des villes,
Je l’entends – au tréfond de mon coeur...


A DREAM OF DEATH

I dreamed that one had died in a strange place
Near no accustomed hand,
And they had nailed the boards above her face,
The peasants of that land,
Wondering to lay her in that solitude,
And raised above her mound
A cross they had made out of two bits of wood,
And planted cypress round;
And left her to the indifferent stars above
Until I carved these words:
She was more beautiful than thy first love,
But now lies under boards.

UN RÊVE DE MORT

J’ai rêvé qu’une était morte
Abandonnée en un pays lointain
Et qu’on lui avait cloué au visage une porte
Des paysans du coin
Inquiets sûrement de la laisser en telle solitude
Puis qu’après pour lui faire une croix
Deux autres planches ils avaient jointes
Et tout autour planté des cyprès
Avant de la laisser aux étoiles indifférentes
Jusqu’à ce que j’y vienne et grave :
Elle plus belle que ton premier amour
À présent sous ces planches

UN RÊVE DE MORT

J’avais rêvé qu’une très loin
    En exil était morte.
Sur sa fosse on cloue une porte :
    Un paysan du coin...

Craintif de la laisser trop seule,
    Puisqu’il fait de surcroit
De deux bouts de planche une croix
    Qu’une ombre l’enlinceule
   
Puis il la laisse aux froids astraux...
   Mais j’y viens et ciselle :
que ton premier amour plus belle,
   l’enclose en ce tombeau.


THE OLD MEN ADMIRING THEMSELVES IN THE WATER

I heard the old, old men say
‘Everything alters,
And one by one we drop away.’
They had hands like claws, and their knees
Were twisted like the old thorn trees
By the waters.
I heard the old, old men say
‘All that’s beautiful drifts away
Like the waters.’

VIEUX ADMIRANT LEURS REFLETS SUR LES FLOTS

J’écoute les vieux, les anciens dire
«Toute chose s’altère
Et un par un au loin on se perd»
Leurs mains : comme des crabes, et leurs genoux
Noueux comme de vieux épiniers
Face aux flots.
J’écoute les vieux, les anciens dire
« Toute beauté au loin se perd
Comme les flots. »


THE HAPPY TOWNLAND

There’s many a strong farmer
Whose heart would break in two,
If he could see the townland
That we are riding to;
Boughs have their fruit and blossom
At all times of the year;
Rivers are running over
With red beer and brown beer.
An old man plays the bagpipes
In a golden and silver wood;
Queens, their eyes blue like the ice,
Are dancing in a crowd.

The little fox he murmured,
‘O what of the world’s bane?’
The sun was laughing sweetly,
The moon plucked at my rein;
But the little red fox murmured,
‘O do not pluck at his rein,
He is riding to the townland
That is the word’s bane.’

When their hearts are so high
That they would come to blows,
They unhook their heavy swords
From golden and silver boughs;
But all that are killed in battle
Awaken to life again.
It is lucky that their story
Is not known among men,
For O, the strong farmers
That would let the spade lie,
Their hearts would be like a cup
That somebody has drunk dry.

The little fox he murmured,...

Michael will unhook his trumpet
From a bough overhead,
And blow a little noise
When the supper has been spread.
Gabriel will come from the water
With a fish-tail, and talk
Of wonders that have happened
On wet roads where men walk,
And lift up an old horn
Of hammered silver, and drink
Till he has fallen asleep
Upon the starry brink.

The little fox he murmured,...


LE JOYEUX PAYS

Il est plus d’un gros laboureur
Dont le coeur flancherait
S’il voyait seulement le pays
Où conduisent mes pas
Les rameaux y ont fruits et fleurs
Tout au long de l’année
Ses ruisseaux roulent à ras bord
Des flots de bière brune et rousse
Un vieux cornemuseux y joue
Dans un bois d’or, d’argent
Des reines les yeux bleus de glace
Dansent en assemblée

Le petit renard murmure
Quel est le bout du monde
Un bon soleil nous brille
La lune tient les rênes
Mais le renard roux murmure
Ô lâche-lui ses rênes
Il s’en va-t-au pays
Qui est au bout du monde

Quand les coeurs sont si hauts
Qu’ils éclateraient presque
Ils décrochent l’épée
Des rameaux d’or, d’argent
Mais ceux qui meurrent aux batailles
Reviennent à la vie encore
Encore heureux que leur histoire
Soit inconnue des hommes
Car les gros laboureurs
En laisserait là leur bêche
Leur coeur comme une coupe
Qu’on aurait bue cul sec

Le petit renard murmure...

Michel décrocherait sa trompette
D’une branche au-dessus
Et cornerait d’un coup
Pour le souper servi
Gabriel sortirait de l’eau
En queue de poisson disant
Des merveilles arrivées
Sur les routes de pluie où les hommes s’en vont
Et levant un vieux cor
D’argent frappé boirait
À en tomber repu
Sur le bord d’une étoile

Le petit renard murmure...

A COAT

I made my song a coat
Covered with embroideries
Out of old mythologies
From heel to throat;
But the fools caught it,
Wore it in the world’s eyes
As though they’d wrought it.
Song, let them take it,
For there’s more enterprise
In walking naked. 

UN HABIT

J’ai fait pour ma chanson
un habit de broderies
pris à d’antiques mythologies
du cou jusqu’aux talons.
Mais des fous l’ont emprunté
et, avec, ont paradé
se prenant pour des poètes.
Vieille chanson
laisse-les gambader :
après tout 
mieux me vaut d’aller nu...


MEMORY

One had a lovely face,
And two or three had charm,
But charm and face were in vain
Because the mountain grass
Cannot but keep the form
Where the mountain hare has lain.

SOUVENIR

L’une avait un gracieux sourire
Et d’autres d’autres charmes
Mais charme et sourire sont en vain
Là où l’herbe des montagnes
Se doit de retenir la forme
De la hase des montagnes.



AFTER LONG SILENCE

Speech after long silence; it is right,
All other lovers being estranged or dead,
Unfriendly lamplight hid under its shade,
The curtains drawn upon unfriendly night,
That we descant and yet again descant
Upon the supreme theme of Art and Song:
Bodily decrepitude is wisdom; young
We loved each other and were ignorant. 

APRÈS UN LONG SILENCE

Des mots après un long silence; c’est bien,
– une fois les anciens amants morts ou enfuis,
l’hostile lampe couchée sous son ombre
puis les rideaux tirés sur l’hostile nuit – 
que nous dissertions et encore dissertions
sur les grands thèmes: l’Art, le Chant.
Corporelle décrépitude est sagesse: jeunes
nous nous aimâmes, jeunes – et ignorants.


MAD AS THE MIST AND SNOW

Bolt and bar the shutter,
For the foul winds blow:
Our minds are at their best this night,
And I seem to know
That everything outside us is
Mad as the mist and snow.

Horace there by Homer stands,
Plato stands below,
And here is Tully’s open page.
How many years ago
Were you and I unlettered lads
Mad as the mist and snow?

You ask what makes me sigh, old friend,
What makes me shudder so?
I shudder and I sigh to think
That even Cicero
And many-minded Homer were
Mad as the mist and snow. 

FOUS COMME BRUME ET NEIGE

Boucle et barre la porte car
un vent fou nous assiège
Nos âmes sont au mieux ce soir si
ce logis les protège
quand tout au dehors de nous est
fou comme brume et neige

Horace est là près d’Homère
et Platon, entre eux deux, siège
De même Tully ouvert à la page
de nos années de collège
quand toi et moi ignar’ étions encore et
fous comme brume et neige

Ce qui me fait soupirer vieil ami?
Quoi de plus t’en dirais-je?
C’est que je sais que tous ces gens-là et aussi
Cicéron et le long sortilège
des mille z-esprits d’Homère tous étaient
fous comme brume et neige

William Butler Yeats William Butler Yeats Reviewed by La Rédaction on samedi, juillet 04, 2009 Rating: 5
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