Deux Poèmes
ABRITÉS SONT LES AMANTS
sous le ciel emmuré.
Un élément secret les alimente en souffle
et ils portent les pierres à la bénédiction,
et tout ce qui grandit
n’a plus chez eux qu’une patrie.
Abrités sont les amants
et pour eux seuls les rossignols encore trillent
et se sont pas éteints dans une surdité,
et les légendes feutrées de la forêt, les biches,
souffrent pour eux dans une douceur.
Abrités sont les amants
ils découvrent la douleur cachée du soleil du soir
qui saigne sur une branche de saule –
et dans les nuits s’entrainent souriants à mourir
une mort feutrée
avec toutes les sources qui coulent dans la nostalgie.
GESCHIRMT SIND DIE LIEBENDEN
unter dem zugemauerten Himmel.
Ein geheimes Element schafft ihnen Atem
und sie tragen die Steine in die Segnung
und alles was wächst
hat nur noch eine Heimat bei ihnen.
Geschirmt sind die Liebenden
und nur für sie schlagen noch die Nachtigallen
und sind nicht ausgestorben in der Taubheit
und des Waldes leise Legenden, die Rehe,
leiden in Sanftmut für sie.
Geschirmt sind die Liebenden
sie finden den versteckten Schmerz der Abendsonne
auf einem Weidenzweig blutend –
und üben in den Nächten lächelnd das Sterben,
den leisen Tod
mit allen Quellen, die in Sehnsucht rinnen.
GOLEM MORT!
Un échafaudage se monte
et les charpentiers accourus
comme une meute de chiens
assoiffés
poursuivent ta spirale d’ombre.
golem Mort!
Nombril du monde,
ton squelette tend les bras
pour de fourbes bienfaits.
Tes côtes se déposent sur les latitudes de la Terre,
parfaitement mesurées.
golem Mort!
Au chevet de l’orphelin
se tiennent les quatre anges chérubins
offrant leurs ailes battantes
visage voilé –
tandis que dans les champs
l’herbe de la désunion est plantée
et des jardiniers dégénérés
font dans la lune mûrir des pommes.
Au ciel étoilé cependant soupèse
le vieillard à la balance
la fin pleine de larmes
depuis le nuage jusqu’au lombric.
golem Mort!
Personne pourtant n’arrive à te soulever
pour t’extraire du temps –
car enfoui est ton sang enivrant
et ton corps enseveli de fer
se décompose avec toute ordure
pour revenir au commencement.
Mais dans les ruines loge une double appétence.
La pierre emmitoufle son sommeil de mousses vertes
et dans l’herbe des fleurs stellaires
et soleils d’or sur leurs tiges apparaissent.
En les déserts
on aperçoit la beauté au lointain,
et qui a perdu l’épouse
enlacera l’air,
car le créé ne peut entièrement succomber -
Et toujours les étoiles déraillées
trouvent dans leur plus profonde chute
le chemin du retour à la demeure éternelle.
GOLEM TOD!
Ein Gerüst ist gestellt
und die Zimmerleute gekommen
und wie die Meute der Hunde
lechzend,
laufen sie deiner Schattenspirale nach.
Golem Tod!
Nabel der Welt,
dein Skelett breitet die Arme
mit falschem Segen!
Deine Rippen legen sich auf die Breitengrade der Erde
richtig zugemessen!
Golem Tod!
Am Bette des Waisenkindes
stehen die vier Cherubim
mit vorgeschlagenen Flügeln,
angesichtsverhüllt –
während auf den Feldern
das Kraut der Entzweiung gepflanzt wird
und verfallene Gärtner
am Mond die Äpfel reifen lassen!
Am Sternenhimmel aber wiegt
der Greis mit der Waage
das weinende Ende
von der Wolke zum Wurm!
Golem Tod!
Niemand aber vermag dich zu heben
aus der Zeit hinaus –
denn geborgt ist dein Rauschblut
und dein eisenumschütteter Leib
zerfällt mit allem Kehricht
wieder in den Beginn!
In den Ruinen aber wohnt doppelte Sehnsucht!
Der Stein umschläft grün mit Moos sich!
Und Sternblumen im Gras
Und goldene Sonnen auf Stengeln entstehn.
Und in den Wüsten
sieht man Schönes in der Ferne,
und wer die Braut verlor
umarmt die Luft,
denn nicht kann Geschaffenes zugrunde gehen –
Und alle entgleisten Sterne
finden mit ihrem tiefsten Fall
immer zurück in das ewige Haus.
Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle
LEONIE NELLY SACHS, née le 10 décembre 1891 à Schöneberg (aujourd'hui Berlin-Schöneberg) et morte le 12 mai 1970 à Stockholm, est une poétesse suédoise, juive, de langue allemande du XXe siècle. Elle a également traduit en allemand des anthologies de poésie suédoise. Œuvres traduites en français: Brasier d'énigmes et autres poèmes (1967); Présence à la nuit: Poèmes présentés et adaptés de l'allemand (1969); Eli / Lettres / Énigmes en feu (1990); Éclipse d'étoile, précédé de Dans les demeures de la mort (1999) [respectivement: 1949 / 1946]; Exode et métamorphose, précédé de Et personne n’en sait davantage (2002) [respectivement: 1959 / 1946]; Partage-toi, nuit, précédé de Toute poussière abolie, La mort célèbre encore la vie, Énigmes ardentes et Elle cherche son bien-aimé et ne le trouve pas (2005) [respectivement: 1966-1970 / 1961 / 1963-1966 / 1966]; Lettres en provenance de la nuit (2010).
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