Elena Cîmpan


Poèmes choisis




DES SEUILS


Si ce monde
Est issu d’une parole,
Pourquoi sommes — nous silence,
Pendant que les oiseaux chantent
Et les sources murmurent–
Où était leur début?
Si ce monde
Est issu d’un mouvement,
Pourquoi sommes-nous peur,
Pendant que la forêt attend la pluie
Et que pour la montagne la neige n’est qu’une
prière -
Pourquoi se cachent-elles de notre vue?
Si ce monde
Est issu d’une fin,
Pourquoi sommes-nous amour,
Pendant que le livre est seul
Et que l’icône nous soit étrangère –
Comment nous considèrent-ils?




POÉTIQUE


Pourquoi les yeux ne serais-ils pas situés
Verticalement,
L’un sous l’autre,
Comme deux lèvres
Qui parlent –
Et que les lèvres soient
Deux à gauche
Et deux à droite ?
Comme deux yeux
Qui voient -
Pourquoi ne serais-tu pas mes yeux
Et moi tes lèvres,
Pour que je voie avec toi,
Pour que tu me parles…


A LA SUITE


Lundi est le pied d’une montagne,
Mardi est le tronc d’un arbre où l’on monte,
Mercredi est un mur qui s’écroule toujours,
Jeudi est la forêt épaisse de bouleaux,
Vendredi est le désert de tes yeux,
Samedi est le delta sans issue,
Et le dimanche,
Dimanche est une rivière
Au long de laquelle on va seul…


DANS LE CAFÉ, À PARIS


Le balcon de ma maison est envahi par des colombes
Qui aimeraient me rejoindre ici, loin de ma maison,
Pour m’apporter des nouvelles sur toi –
Mais quel oiseau arriverait-il jusqu’au café ?
Il faudrait que je descende dans les rues pour le
chercher…
Comment savoir qui est le vrai, le plus important ?
Il faudrait que je commence à parler pour qu’il me
reconnaisse
D’après la manière de t’invoquer, de te dorloter, de
t’apprendre.
Pour se rendre compte que nous ressemblons
beaucoup l’un à l’autre
Dans la manière d’écrire, de dire.
A Paris,
Dans le café
Le café se transforme en oiseau
Et je bois en premier l’aile droite, ensuite l’aile
gauche,
Et le corps lourd et délicat, arrivé jusqu’à moi –
Ô colombe, colombe, colombe…
Encore une gorgée, la dernière –
Et je porterai ton nom, sans que personne ne le
sache–
Il faudrait m’identifier au moins maintenant, à la
sortie
Qu’ils sachent que je fusse passée par ici
Dans une mission onirique, presque magique
En même temps que toi précisément et imprécis
Décidément et indécis
Dans le café
A Paris



LA MARIÉE DE LA TOUR


La patience de monter
Dans une robe blanche tel un nuage,
Le froid ressenti par un automne âpre,
Le vent errant,
Qui dénudait le pied fin,
La pluie qui tombait impitoyablement dans les
cheveux
Et la goutte de champagne presque glacée –
L’ivresse provoquée par la hauteur
Les yeux pleins de grains de larmes,
La bague qui tremblait sur le doigt
Et un regard farouche, comme celui d’un oiseau dans
la cage,
A la recherche d’un endroit calme,
Qui puisse tenir la Terre en équilibre,
Qui puisse tenir l’amour en équilibre –
Et…
Bien entendu, il aurait voulu être
Lui aussi
Dans la Tour Eiffel...



Traduit du roumain par Oana Dugan




ELENA CÎMPAN. Née le 28 août 1967 à Lucăceşti, Drăgoieşti, comté de Suceava. A publié les recueils de poèmes suivants: Dilem(n)e (2001); Dansul verde (2003); De la tu la el (2006); Poezia noastră cea de toate zilele (2009); Dulcele meu amar (2009); Pianul şi alte poeme (2010); Cel mai frumos poem (2011); Sentimentele lucrurilor (2012); Postume-antume (2014); Lăcrămioare de zăpadă (2016); Damian (2017); Poeme pentru minte, inimă și literatură (2017). A publie également des ouvrages de essais, critique littéraire et journalisme. A traduit poésie de l'allemand.
Elena Cîmpan Elena Cîmpan Reviewed by La Rédaction on samedi, avril 25, 2020 Rating: 5
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