Quelques Poèmes
TRÈS À LA UN
Personne ne meurt à cause de la solitude
parfois, quelque brique nous frappe sur la tête, ou
bien quelque bâtiment ou quelque cité,
quelques-uns sont dévorés par le tramway, autres
sont renversés par le tigre,
mais personne ne meurt tout seul à cause de la
solitude, il en faut un coup de main…
On cherche dans la boîte de poste et on n’y retrouve
rien,
seules quelques lettres égarées envoyées par
personne qui s’aiment,
on verse un verre dans un seul verre, une
seule assiette partage l’existence à la une
- Un divisé par un égal rien ! –
la nuit, on ferme la porte une fois, deux fois
et on écoute leurs bruits :
les murailles sont si fines, on dirait des toiles
d’araignées,
que l’on peut entendre l’amour, les voix, les fracas,
tout.
Le matin on a plus de courage,
on fait le café – une tasse seulement et l’on passe en
revue
les anciennes conquêtes, l’on connaît bien
les premières Elle, le romantisme, ensuite la chasse
et toutes, toutes les autres.
On se rappelle où l’on a mis le premier baiser.
On n’a pas bien choisi la base :
Car toute une ville s’y est dressée au-dessus!
ESCLAVE
Tu es passée au-dessus de moi,
ma bien-aimée
telle une prairie
au-dessus d’un cheval.
EVOLUTION
Un homme
avait tatoué sa bien-aimée sur son bras
et, longtemps après s’être quittés
il regardait son bras
de temps en temps.
Après des années,
Il se regarda encore
un bel jour,
et la retrouva en même place
sur la croûte de la peau, hélas
une vielle-femme !
DORS, DORS!
Pour Diane
Si tu avais les yeux verts
lors de ton réveil
tu verrais la Forêt
ouvrir ses yeux, quand tu te réveillais.
Si tu as les yeux noirs
lors de ton réveil
tu verras la nuit
ouvrir ses yeux, quand tu te réveilleras.
Pourtant, si tu as les yeux bleus
lors de ton réveil
tu verras la mer
ouvrir ses yeux, quand tu te réveilleras.
La ville est tellement lointaine
que je ne me rappelle plus
la couleur de tes yeux –
verts – noirs – bleus18
quand tu te réveilleras.
Lors de ton réveil
tu verras la Forêt
peut-être
tu verras l’obscur
peut-être tu verras l’Océan
peut-être
tu verras…
Mais non plus mes yeux te regarder
Alors dors, dors!
Ecrite à 22° 20ˈ latitude méridionale et 12°57ˈ longitude Est, quelque part sur l’Atlantique.
THÉ BAYAN
Pareil au thé dans l’assiette
Ma félicité s’est écoulée
Lorsque la passion m’a mordu la main.
Tu as pris la tasse,
Et tu as bu de ma félicité –
Mais le thé s’était déjà refroidi :
Tu n’as plus compris ma passion…
A l’aide d’une cuillère à thé en argent
J’ai mélangé la douceur du rêve
Dans le thé amer du jour –
Je continuerai à agiter le verre encore un peu,
Viens boire un tout petit peu de thé,
Je suis encore chaud,
Dans ma tasse…
23 juillet 2004, à Yalova
Traduit du roumain par Oana Dugan
VICTOR CILINCĂ, né le 16 janvier 1958 à Paşcani, Galaţi, Roumanie. A publié 26 livres, dont 9 romans et plus de 30 pièces de théâtre. Il a écrit scripts de films et de radio. A gagné divers prix et a été publiée dans plusieurs magazines poétiques. Il publie les recueils de poèmes Mezzoland en 2005 et Vienian Elegies-Tropic of Capricorn Cancer en 2012. Il est membre de l'Union des écrivains roumains et de l'Union roumaine des journalistes professionnels.