Poèmes
BOUMENGOUCHE
Boumengouche connais-tu mon cas?
Aujourd'hui tu es mon voisin dans les montagnes
Dans la palmeraie de Biskra on m'a déporté
Et toi sur sa terre, tu protèges les déportés
Je t'ai vu à jamais la surveiller
Comme un père surveillant ses enfants
Les vagues de mon époque m'ont jeté à ton pied
Prisonnier après de longs évènements
J'ai vécu comme Jonas dans le dépérissement
Près des miens mais dans la séquestration
J'imagine ma résidence forcée comme une tombe
Me gardant parmi les cadavres usés
Je vois les vivants autour de moi proches
Et ils sont loin de moi, occupés à vivre
Je les excuse car le regard de l'adversaire est vigilant
Il voit le mal et présage le fléau
L'homme libre vit comme toi et il est libre
Je te vois suivre les évènements en tête
Et tu résistes avec excellence et modération
Comme le commandant d'une armée de conquêtes
A l'affût prêt pour le combat
Tu leur donnes par ta roche, une leçon de patience
Et par ta puissance tu les incites à la lutte
Boumengouche, informe-moi, j'aime questionner des lèvres
comme les tiennes
C'est dans Mengouche ta roche
Les secrets les plus sublimes et les plus chères sagesses
Et des énigmes dictées pour des générations
Résolues par celui à l'imagination éveillée
De grâce! Quand viendra la victoire
Pour un peuple endurant toutes ces mutilations?
Cinq années ont passé, et le pays par le feu de la guerre brûle
Il a passé son histoire dans la persécution
Et tant de saisons sous l'occupation
Il a donné pour rançon le sacrifice
De tout son sang si cher et coûteux
Est-ce que le temps est arrivé pour lui
De ce qu'espère un combattant de la victoire?
Il a dit oui! Le peuple retrouvera sa dignité
Il s'élève par son sacrifice au grade de la gloire
Attends la nouvelle du nouveau-né
De sa naissance ont accouché les nuits
La révolution a découvert son infini
Et sa libération a percé comme le croissant
Malgré les nuages épais dans le ciel
Avec le temps ils disparaîtront
Dis au fils de l'Algérie d'être fort
Dieu mène les opprimés à la victoire
Défie les puissants par la patience
Et réclame ta liberté et ne crains rien
Et si aucun seigneur ne t'aide pour ta victoire
La victoire viendra du Seigneur des seigneurs
ALGÉRIE (FRAGMENT)
Peuple aux têtes ployées
Écrasé sous le poids du voisin,
Sache.
L'Arabe était roi, jadis,
De la terre, jusqu'à l'étoile du matin.
Toi, sur le sol où tu naquis,
N'auras-tu conquis pouvoir ni honneur?
Vrai patrimoine est ton pays. Garde.
Veille.
Défends. Défends-le.
Cette terre est ta mère où pour toi brille
Le soleil. Aime-la, vénère-la.
Ta seule religion est ton trésor.
Ne t'en écarte point encore.
Que ta vie soit une guerre, la défense du faible.
Arme-toi.
N'admets pas.
Point d'usines dans ton pays?
Hélas! C'est donc un pays en ruines.
Traduit par Imane Al-Khalifa.
MOHAMED LAÏD AL-KHALIFA, né le 28 août 1904 à Aïn Beïda et décédé le 30 juillet 1979 à Batna, est un poète réformateur algérien. Il est considéré, avec Moufdi Zakaria, comme le plus grand poète arabophone algérien de l'époque moderne. Il fut un membre influent de l'association des oulémas musulmans algériens dès sa création en 1931. Homme pacifiste et pieux. il était le poète du peuple de l'Islah (réforme), un ennemi de l'ignorance et un grand passionné de la liberté.