Choix de poèmes
ARRIÈRE – PLAN
Ça marche...
Le silence pythagorique,
La boussole folle,
La marche…
Le chardonneret chante
Le fouet de l’aile, son aile...
Remue dans le vent..
Le chat fait le lézard
Le lézard?
Me regarde...
Et tout se lézarde:
Le miroir,
Le mur...
Seul le cœur bat
Et coupe...
Le silence pythagorique...
Me voilà
Et voilà tout.
BRUITAGE
Cela ne sert à rien
D’écrire sans devenir le loup de la carte
Ou le cheval à encre de tous les jours
De refaire ici maintenant
L’affreux trajet de la même route…
D’écrire sans revenir à Moi
A la source rare de l’orphelin de la carte
D’écrire sans arriver
A chambarder le monde
D’écrire l’envie comme ça
Sans être Poe
Dans son petit New York de nos jours
Ou Prévert dans son pré vert de Paris…
De gémir
Et / ou de vomir
Et / ou de redire, sans penser, la même bêtise:
«L’art pour l’art»...
Ça ne sert à rien
D’écrire sans écrire l’objet in situ
Ça ne sert à rien
De te harceler ainsi
En escamotant ma carte:
La charte d’honneur d’autrefois
Ça ne sert à rien
De périr petit à petit, sado-maso-chiste...
Sous le regard de mille et un clochards...
Et de faire semblant d’être tout à la fois:
Poète et loup
Et d’être beaucoup et rare
Je doute fort
De la bonne route:
La bonne route?:
Laquelle?
Celle de Caîn et | ou d’Abel…
Qu’on connaît déjà, par coeur
Depuis Adam et Eve?
Ou l’autre route de tout le monde…
Et qui ne mène jamais à Rome?
Ça ne sert à rien
Ce chemin de rêve
De quelques centimètres d’en-vie
Ou de long…
(Si si…
Je crève de rêve, d’orgueil…
D’être là…
Tout près de l’impossible
Insoumi, debout
D’ouvrir la porte à tout le monde
Et quand je veux...)
ça ne sert à rien
D’offrir la rose de toute l’allégorie
De quatre chemins de rêve
A tout le monde
De tout refaire
Avec le refrain même d’hier.
HURLEMENT
Ce n’est qu’un nœud
Sa vie d’enfant à quatre chemins.
Emu
Soucieux
Et silencieux..
Le loup blanc
Tire sur sept cieux
Et il ne se tire
Vers son rez-de-chaussée
Nu
Et silencieux
Que pour hurler
Et créer son petit site…
Lâ
Sous l’inerte couleur blanche d’un linceul
Et toujours seul,
Le loup blanc hurle encore
Le loup blanc crache
Son background, le sang
Et se met à contempler le couloir
Et son visage au miroir
Emu
Soucieux
Et silencieux
Le loup blanc perd le nord et le sud
Et il est seul
Emu
Nu comme un linceul
Sa louve
A quelque centimètres près
De sa tombe
Silencieuse
Soucieuse
Regarde la tombe
Pendant qu’une rose pousse
A quelques bonds de sa main.
L'ÉTAT MO-ROSE DE L'ÉTAPE ROSE
Mon étoile pâlit.
Rien ne bouge
Seule la nature qui dort.
Donc
Il faut faire quelque chose
Ou partir.
Un océan de verdure
M'est necessaire
Pour oublier tout un monde doré
D'ordure:
L'étape rose d'un men-songe,
Le feu d'artifice
Et la giroflée à cinq feuilles.
Il me faut cet océan
Pour oublier tout un monde
De fiasco:
Les figures,
Les figurants
Et les styles figurés...
Un océan de verdure
M'est toujours necessaire
Pour oublier tout un monde
De me faire un monde
A part
Il arrive à tout le monde
D'oublier tout un monde
A part moi:
Mon chemin oblique à gauche!
Pas feutrés
Compas dans l'oeil...
Suis-je enfin le grand marcheur
Qui invente l'idée vert
D'un certain océan
Afin d'oublier l'état mo-rose
De l'étape rose...
Déjà brùlé?
LE POÈTE | (RYTHME D'ORIENT)
Le Poète se love
Epars
Gai
Toujours gai
Dans tous ses jardins zen
Et avec un zeste de citron
Il imbibe le ver verdâtre de l'univers
Et le pousse à ramper
Vers l'orbite de six continents mus
Toujours mouvants
Sous les yeux clignotants
D'un épervier toujours incompris.
Accroupi
Entre épée et épée
Le Poète étanche le sang de la carte
Et scie
La hauteur vertigineuse/la tour
D'un certain superman toujours tyran.
Accroupi
Entre épi et épi
Le Poète
—La main heureuse
Et/ou de la main à la main—
Ne récolte
Que l'indomptable révolte de l'âme:
La Paix.
Gai
Toujours gai
D'ici l'an x de la faim
Le Poète ne dort, dans l'ombre,
Que pour surgir
Dans l'autre panique, demain.
Gai
Toujours gai
D'ici l'an fixe de l'infernal paradis|
Le départ,
Le Poète ne cesse
De tout gâcher:
Le chemin qui mêne à Rome,
Le rêve
Et même la vie d'ordure et d'or.
Le Poète ne dort,dans l'ombre,
Que pour rêver
D'un peu de soleil,de plus
Et ce..
Pour partir
Les jours qui viennent
Debout,
Absurde
Et gai.
OPÉRA D’AFRIQUE | COUPE TRANSVERSALE
Anodin,
Le temps s’infiltre entre aveux et doigts
Anodin,
Le temps s’encastre dans l’écrin
De l’enfant qui ne cesse de
Même l’hirondelle d’un printemps vécu
Anodin,
Le temps s’entasse pour gommer le temps
L’espace s’offre à tout le monde
Et tout le monde le cerne,
Entre aveux et doigts
Le sahel ?
Cet indomptable sang de la Grande Bleue
S’isole entre aveux et doigts fourchus…
En escaladant le mur d’un rêve fou :
Chanter et danser «groove is in the heart»
Le fil d’Ariane d’un certain sahel fourchu
Le long d’un rêve fou…
Pendant que l’albatros repère
Sa danse circulaire dans l’espace
Ivre d’un absolu bleu comme Dieu.
De la page blanche,
De quelques kilomètres d’or…
A la page bleue
S’allonge l’isthme de l’ombre méditerranéen
Le soleil se lève de l’Est
Et tombe à quelques pas
D’un peintre si contemporain:
L’enfant Horace se met à peindre la mer,
Le fond perdu de l’horizon
Et l’albatros.
POINT D’ATTOUCHEMENT
Deux mains se lovent
A un petit point ové d’attouchement
L’oersted, déluge de l’œuf magique,
Ejecte l’incendie de deux mains chaudes, chaudes..
Et rive l’âme à l’âme..
Deux mains s’enchevêtrent farouchement
A un petit point ové d’attouchement
Après le feu,
Le déluge.
RÊVE
Mon défi multiple d’enfant
Est le suivant:
Parvenir un jour à concentrer
Le chant du cygne
Au fond de ma paume
Ou à contourner l’atome
Et agir contre le corbeau.
Mon défi multiple d’enfant
Est le suivant:
Parvenir un jour à tout faire |
A tout dire:
Le secret, l’âpre goût bizarre
D’un bombardement fortuit et massif.
Mon défi multiple d’enfant
Est le suivant:
Parvenir un jour à gommer l’or
Et l’orgueil.
Mon défi multiple d’enfant
Est le suivant:
Parvenir un jour à gagner mon petit village
Où je pourrai danser librement
«with my poem».
TÔT SUR LA TERRE
Premier plan:
Tôt sur la terre
Afin de dire à tout le monde
Le jour repère de tout le monde
Ne tarde pas à venir
Demain peut-être
Ou après demain
Sous l’impact de big-bang
Ou avec le soleil
De cinq milliards de soi-disant malins
Qu’en dites-vous Ekelöf?
Le pont Est/Ouest se mue
En éclair
Entre deux vues juxtaposées
Celle d’un certain poète de la Grande Bleue
Et la vue d’un autre poète viking
Qui brise tôt l’alphabet
Occultement
Sans cesse
Un pont Ouest/Est se mue
En éclair
Tôt sur la terre
Tard sur la terre
Tôt ou tard
Le poète a tout le temps
(Il y a temps pour tout):
Pour Fatima
Et pour sa «gymnastique suédoise»
Pour Héra Vox
Et pour ses «Volcans d’Auvergne»
Pour moi..
Pour toi Ekelöf
Et pour tout le monde
Excepté un..
Le niaiseux nouveau tyran
D’un vil village McLuhan
…Tourmenté par d’obscurs désirs
Il joue à la roulette, à la bourse
Avec le feu
Il joue du couteau
Et parfois, hypocrite..
Il joue de la flûte
Il joue le jeu
Et fait jouer tous les niaiseux de la carte
Bref
Il joue la carte
Pour se jouer de tout
A nous Ekelöf
De lui flanquer des tartes…
UN AUTRE REGAIN
L’alter Ego
N’est qu’une non-distance
Qui fleurira
Sous le galop
De deux enfants demain
Ad hoc,
Je l’aime, je l’aime.
*** ***
… Refraîchir le tableau autrement?:
Ça demande un sourire,
Une relance d’un certain regard
Et un autre regain de tout changer:
Le pinceau,
L’ombre,
Les couleurs…
Et surtout l’estomac de son œil (à elle)
Afin de digérer un homme de mer
Ereintant comme igrek
Rouge comme la vie
Et… comme un orphelin
Il aime
Loin de sa mère-
Faire la tête
Téter l’âpre lait de sa langue mère
Et vivre longtemps pour geler
Tout en gémissant –
Tout le Temps
Dans un Poème.
*** ***
Et elle?
– Elle de tout le temps
Encor rétive,
Me donne l’envie maintenant de la peindre ici,
Autrement…
Sous forme d’une petite fille
Qui joue à deux roues
Dans la rue 18 Fév 2005…
Mais pour la kidnapper
Et l’obliger
A m’aimer sans me dire: je t’aime…
L’hippogriffe s’offre à nous
Et nous exile loin, loin..
Loin de nous
Et de tout le monde:
A Yotalia, là…
Où. de nouveau…
L’encre s’offre à nous
Et nous concède l’élixir magique de vie.
UN CERTAIN ANGLE
L’enfant se mue en forgeron
Et se met à forger mille mots
Pour dire…
Qu’il s’entiche encore d’elle
Qu’il se répète
Chaque seconde
Dans sa petite vie d’enfant
Et qu’une petite vie d’enfant
Erafle le sens
De tout non-sense pourri dans ce monde.
***
Je ne fais alors
Que de connerie |
Uniquement pour dire:
Ainsi j’aime valser contre mur,
Porter le toast
A la rose, là... de la rêverie…
A ma vacherie.
Je ne vaux que cette petite vie
De la porte pivotante:
Aujourd’hui: la fête, le feu et ...tout
Et demain: le son de la sonnerie…
Et le lendemain?
Un mot me dope
Un autre m’engourdit la main.
Je me tire vers mon asile.
Adieu tout le monde.
Tout est vapeur:
Mon ego, le mot, le chemin à deux.
La folie
Et / ou
La mélancolie
Ça ne sert à rien
Ça ne change rien.
Un mot me dope
Un autre m’engourdit la main.
Pour dire..
Qu’il s’entiche encor d’elle..
Même demain, de l’an 3005.
VISA-GE
1-
Ouvrir le cœur pour l’autre
C’est courir avec…
Et avec…
Défaire le nœud de l’Autre et Nous
Et Nous?
Nous l’Autre…
Tout court, cher ami…
L’autoroute,
Les mots rétifs,
La page blanche…
Tout passe en éclair:
Les choses,
Les icônes,
La route
Ainsi que la Vie
-2-
Je rythme mon éclat:
Je galvaude un mot
Et j’oublie un autre…
Reviens!
L’eau me vient aux genoux…
Nous?
Et
L’Autre?
Le visa…
Le visage…
Mais où (voulez-vous) en venir?
Nulle part..
Ma langue de «qui langue a,
à Rome va»
La route,
Le rythme…
Et ça va…
Je t’aime.
Reviens:
L’eau me vient aux genoux…
Nous et l’Autre:
La symbiose…
Ainsi je l’aime…
Je suppose…
Mais elle?
Toujours rebelle
Et… belle.
LA BLESSURE DE LA DISTANCE
L’«Homme étranger» n’a pas assez de temps...
Il regagne de loin «sa maison intelligente»!
Il met en marche la machine à laver, le vidéo ou le four du coin,
Il cherche dans un réfrigérateur muet
(la nourriture ne s’est pas gâtée!)
La femme de l’étranger visite son médecin chez qui elle s’était rendue hier
Et son « cœur » se tranquillise
Elle jette sur ses enfants dispersés là-bas
Le dernier regard
Et allonge ses pieds tout au long du fauteuil
Que voilà son chauffeur qui s’accole à la porte entrouverte
Attendant le signal
Pas de signal!
Alors qu’il consume son temps restant
Allant et venant
Entre les couloirs du lieu
Et que ses yeux captent la meilleure scène!:
Non…
Ce n’est pas du chocolat ce que l’on trouve dans l’âme…
Et ce qui est fondu!...
C’est la brillance de deux poignards
Qui se sont éloignés
Et que l’incendie s’est faufilé entre eux
Le lustre est tombé
Par terre
Et le lieu s’est penché pour collecter son désordre.
L’«Homme étranger» n’a pas assez de temps...
Il regagne de loin «son bureau intelligent»!
Sa femme rentre après s’être débarrassée de sa dispersion là-bas
Et ne revient pas
Et elle dit au mari lointain
Ne vois-tu pas...
Cette ville nous a séparés
Je te vois et je ne te vois pas.
Avec mille «gigabits» remplis ton être avec moi...
Et bronche le « modem » de notre désir dans une prise de courant
Tu es son chargeur, un rhinocéros
Ô toi aux désirs multiples |
Toi ma douleur apprivoisée!
YOUSSEF RZOUGA, Poète tunisien d'expression arabe et française. Né en 1957 à Ksour Essef, Mahdia (Tunisie), Youssef Rzouga est l'initiateur d'un Rythme occiriental d'après l'insertion de la métrique arabe dans la poésie française: Vers un rythme occiriental et l’une des figures les plus représentatives de la poésie tunisienne moderne. Youssef Rzouga a fait ses études à la faculté des lettres et sciences humaines de Tunis jusqu'en 1980 puis à l'Institut de Presse et des Sciences de l'Information où il a obtenu une maîtrise en sciences politiques. Il travaille actuellement dans le champ du journalisme culturel. Ses premiers poèmes, où se laisse entrevoir une aptitude remarquable à la création d'images poétiques originales, datent du début des années 1970. Mû par un profond sens esthétique, il s'emploie à explorer de nouvelles voies d'expression et à adapter ses vers aux préoccupations de son époque. Ses dernieres productions témoignent d'une volonté de transgression des lois des genres qui tend à mêler ostensiblement la poésie à la prose. D par ses contacts suivis avec les jeunes poètes dans le cadre de ses activités au sein du club du Mercredi littéraire à l'espace Tahar Haddad ou à la tête des pages culturelles du journal Alayyam, Youssef Rzouga est sans conteste le poète qui a eu le plus d'influence sur la génération des années 1990.
Ses publications:
En arabe
Je vous transcende par mes tristesses (1978)
L’idiome des branches dissemblables (1982)
Le programme de la rose (1984)
L’astrolabe de Youssef le voyageur (1986)
Le loup dans le verbe (1998)
Le pays d’entre les deux mains (2001)
Fleurs de dioxyde de l’histoire (2001)
Proclamation de l’état d’alerte (2002)
Le papillon et la dynamite (2004)
Yogana (Le livre du Yoga poétique) (2004)
Oeuvres poétiques (Première Partie) (2003)
The ground zéro (2005)
La plastique de l’âme suivi de l’Epistémè de l’Issue (2003)
Rhapsodes d’un Troubadour (inédit)
Le Scandale narcissique (inédit)
En français
Le fils de l’araignée - Préface: Chantal Morcrette (2005)
Yotalia (avec Héra Vox) - Préface : Chantal Morcrette (2005)
1001 poèmes (1er livre : 101 poèmes avec Héra Vox) - Préface : Chantal Morcrette (2005)
Le jardin de la France - Préface : Mondher Chafra (2005)
Traductions en français
L’image a vieilli par Jean Fontaine suivi de Poèmes par Hédi Khélil (2005)
Les griffes des eaux par Walid Soliman (2005)
Divers
L’archipel (1986): roman
Un monde à part (Roman des Résidus Recyclés, inédit)
Vie d’une certaine limite (inédit): autobiographie
Les pieux de la rythmique arabe: Vers un rythme occi-riental